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Pourquoi c’est tabou de parler des règles ?


« Qu’est-ce qu’elle a aujourd’hui ? Elle a ses règles ? »

Cette phrase, lâchée en pleine réunion par un de mes collègues pour faire rire l’assemblée, m’a mise dans tous mes états. Pourtant ce n’était pas la première fois que je me prenais une réflexion sexiste, mais cette fois, ça n’est pas passé. D’abord parce que c’était faux, je n’avais pas mes règles. Mais surtout parce qu’avec ses simples mots, mon collègue a décrédibilisé mes émotions.


J’abordais un projet qui me tenait à cœur, j’y avais mis toutes mes tripes pour convaincre l’équipe. A chaque objection, j’apportais une solution, je me sentais passionnée, avais réponse à tout. Ok, c’est vrai que j’ai pu montrer de l’agacement face aux sceptiques, ceux qui ne veulent jamais rien tenter de nouveau. C’est vrai aussi que prise d’enthousiasme, j’ai pu hausser un peu la voix.

Et alors ? Dès qu’une femme s’affirme un peu, défend avec ardeur et conviction ses idées, montre de l’irritabilité, voire de la colère, c’est forcément lié à ses règles ? En sommes-nous réduites à cette vision-là de nos jours ? A un cycle menstruel qui décide de nos émotions, qui ne génère que du négatif chez les femmes ?

Forcément avec cette approche, nous avons de très bonnes raisons de ne pas parler naturellement de nos règles, de taire tout cela. On est clairement face à un gros tabou de notre société.

Je suis persuadée que certain.e.s penseront que j’exagère, que tabou c’est un mot trop fort, qu’après tout on est au 21ème siècle et qu’aujourd’hui on peut parler de tout. Vous avez raison, on aborde d’avantage ce sujet et il faut reconnaitre que ça fait du bien !

Mais combien sommes-nous encore, à adapter notre vocabulaire pour ne pas nommer le mot « règles » ? combien taisent leur douleur, leur fatigue durant cette période ? combien n’osent pas évoquer naturellement leurs règles, sans gêne ? La réponse est : pas assez ! Ce qui veut dire qu’inconsciemment, ce tabou a été intériorisé et persiste encore aujourd’hui, si bien qu’on le perçoit comme une évidence : les règles, on n’en parle pas.

J’ai voulu comprendre l’origine de tout ça, alors je suis allée fouiller dans les croyances erronées qui ont, siècle après siècle, façonnées nos esprits pour qu’on en arrive là.

Les règles c’est sale !

Cela ne date pas d’hier, dans beaucoup de mentalités le sang menstruel est associé à la saleté, l’impureté. À la télévision par exemple, cela ne dérange personne de voir du sang dans un film, pourtant, dès qu’il s’agit d’une pub pour les protections hygiéniques, il faut absolument qu’il soit bleu, sinon cela heurte la sensibilité. D’ailleurs, le simple terme protection hygiénique est lourd de sens. Protection : assure contre un risque, un danger. Hygiénique : qui attrait à la santé du corps.

Ainsi donc, ce sang menstruel serait un danger pour la femme, mais aussi pour la collectivité. Dans certains pays d’ailleurs, les personnes menstruées sont soumises à des rites, des interdictions, liés à ce statut considéré chez eux comme honteux.

Aujourd’hui, même si la médecine a démontré que le sang menstruel n’est ni sale, ni dangereux (bien au contraire il est très riche) les idées reçues persistent encore, elles se sont ancrées dans les esprits.

Le sexe faible

On connait tous cette histoire. Ève aurait mangé le fruit défendu au jardin d’Éden, et depuis, toutes les femmes de l’humanité sont considérées comme le sexe faible. Alors qu’on soit croyants ou pas, ce magnifique concept a été nourri pendant des milliers d’années.

Par les philosophes, pour exemple, ce cher Aristote qui déclarait : « la femme est un être incomplet et inférieur ».

Par les penseurs ou encore par la médecine, qui représentait l’anatomie féminine par des croquis peu flatteurs : os petits, moins durs, muscles mous et minces …


Ainsi, l’histoire a largement participé à considérer la faiblesse globale des femmes comme une évidence. Et les menstruations en seraient la preuve. (attention, l'extrait qui va suivre pique les yeux !)

Au siècle des lumières : Un homme, lorsqu’il verse son sang, c’est pour une noble cause (la guerre par exemple). Alors que chez la femme, le sang des règles démontre leur incontinence, leur impuissance, leur incapacité à conserver ce sang menstruel pour être enceinte *

Ça fait lourd sur nos petites épaules, le poids de 10 000 ans d’histoire dont est chargé notre inconscient collectif, valorisant systématiquement l’homme au détriment de la femme.

Le langage populaire

L’importance des mots : « j’ai mes ragnagnas », « j’ai mes choses », « je suis indisposée », « les anglaises débarquent », « les chutes du Niagara ».

En suédois, ça donne « la fleur rouge honteuse », en anglais c’est « la malédiction » et en chinois « le secret d’un vieil ami ». Mais pourquoi utilise-t-on ces expressions ? Moi la première, sur mon agenda j’ai toujours écrit les anglaises.

Le simple fait de dire le mot règles, c’est projeter une image mentale qui heurte, qui dérange. Voilà pourquoi on préfère user des métaphores, elles ont pour objectif de les rendre abstraites, informes, de les désincarner. Si ça c’est pas la preuve qu’il y a un vrai malaise sociétal à l’égard des menstruations.

Alors on fait comment pour briser le tabou ?

On réhabilite le cycle menstruel en commençant d’abord par apprendre à en parler.

Le vécu des premières règles est déterminant dans l’approche de sa féminité. Si on enseigne aux adolescentes à les accueillir sans honte, à en parler naturellement, elles auront moins de raisons de considérer leur statut de femme comme contraignant et négatif. On casse ainsi cette notion de souillure en déconstruisant les idées reçues.

On vulgarise les connaissances

A quoi servent les menstruations, quelles sont les particularités du fonctionnement physique, émotionnel et énergétique féminin ? Je vous rassure, il y a deux ans encore, je n’en savais rien. C’est normal, comme beaucoup, je n’ai pas reçu le mode d’emploi livré avec mes premières règles. Mais bon sang (!) ce que ma vie a changé quand j’ai compris ce qu’il se passait vraiment dans mon corps !

J’ai découvert à 32 ans (il n’est jamais trop tard) que ce cycle menstruel que j’avais ignoré pendant longtemps, pouvait-être une vraie ressource. Que si j’étais attentive à ses phases, chacune pouvait me guider dans mes actions, m’aider à faire les choses au bon moment, m’inciter à lâcher prise ou faire de moi une meilleure oratrice.

C’est quand même fou qu’on ait cette boussole interne et que personne ne nous ai appris à nous en servir. Jetez un oeil à l'article de Gaëlle Baldassari de Kiffe ton cycle, elle explique comment faire de notre cycle un véritable allié.

Faire évoluer les mentalités, ça ne se fait pas en deux jours, c’est le travail de toutes et tous.

Un bon commencement serait de ne plus avoir peur de nommer les règles. Nier leur existence, c’est nourrir le tabou. Puis, encourageons-nous les uns les autres à les évoquer naturellement, apprenons aussi à mieux connaitre le cycle menstruel, à explorer ses avantages et à accepter ses inconvénients.

A nous de jouer.

Et vous, quels sont les pires remarques que vous avez entendu à propos des règles ?

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*tiré de l'ouvrage " Le fil rouge du sang de la femme " de Jacqueline Schaeffer

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